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Fédération des Landes du Parti Radical de Gauche

Sécurité et violences

4 Septembre 2006 , Rédigé par Alain TOURRET - Avocat, Vice Président du PRG, Vice Président de la Région Basse Normandie. Publié dans #prglandes.org

Le droit à la sécurité est consubstantiel au pacte républicain. Mais, nos textes fondateurs privilégient le concept de liberté ou surtout de libertés au pluriel, tant il est vrai que depuis l’Esprit des Lois de 1748, « il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté ».
Eternel dilemme que la conciliation de l’ordre avec la liberté.
 
La sécurité qui n’apparaît qu’à la marge dans la Déclaration des Droits de l’Homme reste conçue comme une composante de l’ordre public c'est-à-dire « le bon ordre, la sécurité, la salubrité, la tranquillité publique » et si l’on reprend les décisions du Conseil Constitutionnel, on constate que l’ordre public recouvre la protection des libertés fondamentales. La prévention des atteintes à l’ordre public est nécessaire à la sauvegarde des droits de valeur constitutionnelle.
Si l’on admet une notion stricte de l’ordre public, on doit retenir que le principe de sûreté garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme permet d’affirmer qu’il n’est pas de liberté possible dans une société où les individus craignent pour la sécurité de leur personne.
 
La sécurité est donc une réponse aux atteintes à l’ordre public et, par-là même, aux violences définies comme des manières de transgresser l’ordre public. Les violences, comme les libertés, sont fondamentalement diverses.
 
Chacun a en tête les violences commises par les individus sur la personne et les biens d’autrui. Mais aussi d’autres violences spécifiques : la violence routière, les atteintes à l’environnement, les drames liés à la santé publique.
 
Avec le terrorisme, le but de la violence est de saper l’Etat, ses institutions, son autorité.
Mais, la violence c’est aussi celle qui, par la loi, la réglementation, s’attaque de manière paradoxale, à trop vouloir protéger l’Etat, aux fondements mêmes de la vie en société. Etat de siège, état d’urgence et circonstances exceptionnelles sont autant de violences à l’ordre légal et républicain. Violences par ailleurs commises au nom de l’Etat pour assurer la sécurité, en limitant la liberté d’aller et venir, en assurant la détention provisoire, en permettant l’intrusion dans la vie privée.
 
Quelles limites, quelles garanties l’individu est-il en droit d’exiger de l’Etat tout en revendiquant le droit à la sécurité et l’éradication des violences ?
 
1) La sécurité est nécessaire
 
La sécurité est d’autant plus revendiquée par chacun d’entre nous que notre société suinte de peur, que l’individu a le sentiment d’être isolé, que l’individualisme l’a emporté sur le collectif. Que les images de violence envahissent nos foyers à tout moment de la journée, tant l’emprise de la télévision a transformé le quotidien de nos existences.
 
Il y a 25 ans, le Maire de La Rochelle, Michel CREPEAU, candidat à la Présidence de la République, s’exprimait dans ces termes qui ont fort peu vieilli : « Les Radicaux de Gauche affirment clairement que la sécurité des personnes et la sécurité des biens font partie des droits de la personne humaine.
 
Dans une société civilisée, il est du devoir de l’Etat de s’opposer à la violence, de défendre le faible contre le fort et les honnêtes gens contre les malfaiteurs. Mais, cela n’autorise en rien que ce désir légitime de sécurité serve d’alibi à des atteintes répétées contre les libertés individuelles et publiques. La généralisation de la violence, l’augmentation de la délinquance juvénile, le développement de l’usage des stupéfiants sont des faits qui marquent la crise de notre société.
 
Pour combattre un pareil phénomène, il convient avant tout de l’analyser objectivement, car c’est à l’évidence à partir d’une connaissance des causes que l’on peut trouver les remèdes.
 
La faillite et la désorganisation du système éducatif, la démission de trop nombreux parents, le modèle de société imposé par les médias, la dislocation des familles, le profond déracinement et l’isolement des individus, le grand basculement en moins d’une génération de la population des campagnes vers les villes, la piètre qualité du logement, l’insuffisance des mesures prises contre l’alcoolisme, tout concourt à créer pareille situation.
 
C’est pourquoi il est vain de croire que l’on puisse y porter remède par la seule peur de la prison et du gendarme.
 
C’est illusoire et simpliste. Tout démontre, au contraire, qu’il y a escalade de la violence et de la délinquance chaque fois où, seules des mesures répressives sont mises en œuvre. La meilleure police est la police préventive. Celle qui permet d’intervenir avant que le délit ou le crime ne soit commis.
 
Cela exige des moyens importants, un personnel nombreux et bien formé, connaissant parfaitement les hommes et le milieu social. C’est en définitive cela que représente la gendarmerie nationale dans le milieu rural. Et que l’on n’a pas su, ou pas voulu, mettre en place en ville lorsque la France est devenue un pays à dominante industrielle et urbaine. Au lieu de renforcer comme il l’aurait fallu les effectifs territoriaux de la police nationale, de former les policiers à une action de police préventive, le Ministère de l’Intérieur a préféré consacrer l’essentiel de ses soins à la mise en place de légions de CRS astreints à une action toujours éphémère, presque toujours répressive, isolée et sans connaissance profonde de la population.
 
Bien mieux, on a fait des compagnies de CRS une sorte de purgatoire par où presque tous les policiers doivent d’abord passer, avant d’être affectés dans un commissariat urbain. Et les jeunes ne s’y sont guère trompés, qui ont fait – abusivement d’ailleurs – des compagnies de CRS le symbole même de la répression policière et des atteintes aux libertés publiques.
 
L’une des tâches importantes de la Gauche sera sûrement de réconcilier les Français, et en particulier les jeunes Français, avec leur police. Et pour cela, de mieux former les policiers, de multiplier les effectifs, de doter la police de tous les moyens modernes compatibles avec le respect des libertés individuelles, de mettre un terme à la stupide guerre des polices, de réprimer sévèrement les « bavures » de plus en plus nombreuses. Cela demandera, ne nous y trompons pas, de gros efforts et du temps.
 
C’est pourquoi, afin de pallier au plus pressé, les Radicaux de Gauche proposeront que les compagnies de CRS soient dissoutes et que leurs effectifs soient affectés dans les commissariats de police des collectivités urbaines. Et placés sous l’autorité des commissaires centraux.
 
Les pures opérations de maintien de l’ordre – hélas quelquefois nécessaires – seront alors confiées, comme cela était le cas sous la IIIème République, à des brigades d’intervention constituées au sein de chaque Commissariat et à la Gendarmerie mobile ».
 
 
En 2006, cette philosophie de l’action est toujours la nôtre.
 
En 2006, comme il y a 25 ans, l’insécurité est un phénomène de masse.
 
Dans son ouvrage sur la géographie de la France criminelle, Alain BAUER donne les chiffres suivants : les parquets ont eu à traiter, sur une seule année, 4.996.642 cas ; les tribunaux ont prononcé 1.001.970 condamnations dont 3.174 pour crimes et 411.373 pour délits ; les tribunaux pour enfants ont prononcé 31.272 condamnations dont 534 pour crimes et 29.917 pour délits.
 
Le taux de criminalité est extrêmement hétérogène sur l’ensemble du territoire. La violence est le fait de certains départements, de certains secteurs géographiques : le Nord, la Bouches du Rhône, le Rhône, Paris, la Gironde, la Loire Atlantique, sont des secteurs particulièrement violents. En revanche, le calme règne en Auvergne, dans la Creuse, les Deux Sèvres, l’Orne. On ne peut donc apporter des réponses homogènes à un phénomène fondamentalement hétérogène. La fusion des services de police et de gendarmerie proposée par le Parti Socialiste et M. SARKOZY d’accord sur cette proposition, nous apparaît être une erreur.
 
La France rurale n’est pas la France urbaine. Les gendarmes qui sont des militaires sont une réponse satisfaisante à la sécurité en milieu rural. Ils font l’unanimité de la population concernée.  Pourquoi vouloir en faire des civils, sauf à vouloir mettre à la disposition du Ministre de l’Intérieur une légion de prétoriens forte de 200.000 personnes !! La criminalité, la violence est le fait des hommes et non des femmes. Les hommes commettent 95 % des actes de violence pure et 97 % des détenus sont des hommes. Le Code Pénal ignore cette situation. Aucune véritable analyse sociologique, hors quelques réflexions sur la testostérone, n’a jamais été faite.
 
Les réponses apportées par la Droite depuis 2002 sont inefficaces, contrairement à ce que prétend Nicolas SARKOZY. La montée de la violence depuis 2002 est une réalité. Selon l’Observatoire National de la Délinquance, de mai 2002 à mai 2005 :
 
les violences physiques ont augmenté de + 27,50 %
les mauvais traitements à enfants +.30,10 %
les violences envers les dépositaires de l’autorité + 34,30 %
les violences urbaines (45.588 voitures  brûlées en 2005) + 80,00 %
 
Ces chiffres sont accablants pour une Droite autiste qui cherche à nous convaincre de sa réussite en matière de lutte contre l’insécurité. Il n’y aura pas de liberté sans sécurité. La sécurité, nous la revendiquons face aux violences routières qui continuent le plus souvent par l’alcool et la vitesse à tuer plus de cinq mille personnes par an. La sécurité, nous la revendiquons face aux violences industrielles. L’abandon des poursuites en ce qui concerne les accidents du travail, puisque les parquets privilégient la lutte contre la délinquance de rue, ne peut qu’être stigmatisée, alors même qu’il est au moins possible de condamner la personne morale de la société et que le Code Pénal prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 375.000 € en matière délictuelle et 1.000.000 € en matière criminelle. La sécurité, nous la revendiquons face aux violences faites à l’environnement.
 
L’action publique reste orientée contre les violences traditionnelles. Il faut bien évidemment continuer de poursuivre les auteurs de coups et blessures ou d’atteintes graves aux biens. Mais les parquets doivent, sous l’impulsion du Garde des Sceaux, et en relation avec la Police, poursuivre toutes les infractions qui relèvent de ce qu’il faut bien appeler les droits spéciaux. En se limitant aux infractions les plus banales, le Parquet devient l’instrument d’une politique conservatrice qui protège de puissants intérêts économiques et industriels. Vous me direz que c’est caricatural. Sachez seulement qu’en droit du travail, moins d’une infraction sur 1000 est relevée par procès-verbal, que l’Inspection du Travail opère ensuite sa propre autocensure et que sur les procès-verbaux adressés au Parquet, environ un sur cent fait l’objet de poursuites.
 
L’Etat se doit d’être impartial mais qu’en est-il lorsque l’Etat lui-même recèle la violence et par la même détruit la sécurité.
 
2) La violence de l’Etat contredit la revendication de sécurité
 
Quelles que soient les violences, quelle que soit la soif de sécurité, une société démocratique ne doit jamais renoncer à l’Etat de droit. Le 19 janvier 2006, le Conseil Constitutionnel rappelait avec force que le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs lorsqu’il écrit que l’autorité administrative peut se substituer à l’autorité judiciaire à des fins répressives. Ainsi, même en matière de terrorisme doit-on respecter l’Etat de droit. Comment a-t-on pu en arriver là ?
 
Si l’on peut admettre d’avoir recours, en application de la loi du 3 avril 1955, au régime de l’état d’urgence « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », encore faut-il que cela soit enserré dans une période déterminée et sous le contrôle du Parlement. En revanche on doit supprimer l’état de siège créé par la loi du 3 avril 1878 qui transfert à l’autorité militaire les pouvoirs dévolus à l’autorité civile en matière de maintien de l’ordre et des libertés individuelles. De même doit-on supprimer l’article 16 de la constitution qui transfert l’ensemble des pouvoirs au Président de la République, en ajournant le pouvoir législatif puisqu’il est prévu que le Parlement ne sera réuni que lorsque les circonstances le permettent et ce, sous la seule appréciation du Président de la République.
 
Quels que soient les évènements, la République ne saurait imposer la violence légale aux citoyens en supprimant sans contrôle les libertés fondamentales. Ce principe doit être rappelé avec force, alors même que la société de l’informatique et des nouvelles technologies menace plus que jamais l’individu, alors même que la loi sur la présomption d’innocence, sur la limitation de la détention provisoire, a été mise en morceaux par une majorité toujours soucieuse de mettre en prison.
 
Rappelons que la violence d’Etat s’exerce par un système pénitentiaire totalement inadapté à ce qui devrait être sa raison d’être : la rééducation et la réhabilitation du condamné en vue de la réinsertion dans la société.
 
Les Radicaux de Gauche proposent donc la suppression de la détention provisoire avec pour exception le crime organisé et le terrorisme. La lutte contre la violence ne sera efficace que par le renforcement du lien social, que par le sentiment qu’aura chacun d’entre nous que l’Etat œuvre pour plus de justice sociale.
 
La France ne gagnera pas le combat contre la violence, en faisant des exclus, en supprimant la priorité due à l’éducation, en précarisant les salariés et surtout les plus jeunes d’entre nous. La France libérale recèle les flambées de violence. Elle désespère et le désespoir nourrit la violence. Lutte contre les inégalités, solidarité, maintien des services publics, sont sans doute les meilleures réponses à la violence de notre temps.
 
Je terminerai cet exposé par une belle citation de Michel CREPEAU :  
« Depuis toujours, ceux qui ont fait le choix de la gauche s’efforcent de construire la cité idéale, celle qui n’existera probablement jamais. Mais pour vivre, l’homme a besoin des étoiles. Entre le rêve et la réalité, l’éternel dialogue d’Antigone et de Créon, domine la politique ».

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B
Les t-shirts "violents", Un prof confisque le T-shirt Zheadbutt le jour de la rentrée<br /> <br /> La situation sociale actuelle n'est pas très rose. Divers facteurs entraînent, ipso facto, une certaine recrudescence du phénomène de la violence chez les adolescents. De plus, cette violence est omniprésente et véhiculée à travers multiples médias: vidéoclip, jeu vidéo, cinéma, Internet, littérature, musique, symbole, graffiti, etc., et depuis peu les t-shirts électro- luminescents!<br /> Plaçons-nous deux secondes dans la peau du prof qui, en plus d'enseigner sa discipline ou de participer à l’éducation, se présente en classe devant 30 jeunes endormis avec des gueules démoralisantes, portant un superbe dessin couleur sur le thorax: tête de mort, zombies, casque nazi, symbole skins, sang dégoulinant, hachette sur le crâne, hameçons tirant la chair du visage, pentacle satanique, et depuis peu le coup de boule de Zidane à Materazzi flashant- http://www.zheadbutt.com . On comprend peut-être pourquoi dans plusieurs écoles, depuis la rentrée, un règlement interdisant le port de t-shirts véhiculant une forme de violence quelconque a été instauré.<br /> Cependant, en pratique, l'application d'un tel règlement n'est pas chose simple. En fait, la problématique se résume à savoir, qu'est-ce qui est ou n'est pas violent? Bien entendu, aucun prof n'a déjà été agressé physiquement par un t-shirt --ils sont pas aussi cons qu'ils en ont l'air les profs
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