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Fédération des Landes du Parti Radical de Gauche

Choc fiscal ? Non, contre-réforme !, par François Hollande

1 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Philippe Guerini Publié dans #prglandes.org

Depuis le 6 mai, les annonces présidentielles succèdent aux proclamations ministérielles. Le style Sarkozy, c'est celui de la virevolte. Chaque jour est une course. Qu'importe la direction, pourvu qu'il y ait le mouvement. Tout est fait pour impressionner, surprendre, étourdir, avant les élections législatives qui arrivent.

Mais, au-delà du vacarme médiatique, une logique politique est à l'oeuvre : celle d'un Etat minimal dont la seule mission serait de laisser chacun chercher, seul, la sortie. Ainsi doivent être lus l'abandon de la carte scolaire, le recours aux couvertures individuelles pour la santé et le "travailler plus pour gagner plus".

La démarche du nouveau président est d'abord une stratégie fiscale : plus loin que la droite en 1986, plus fort qu'Edouard Balladur en 1993, plus vite que Jacques Chirac en 2002. Nicolas Sarkozy veut mettre le paquet. La France est sans le sou. La dette atteint un niveau record ! Qu'à cela ne tienne, les favorisés veulent du pain, ils auront de la brioche. Alors, c'est un "choc" qui est proposé. Un "choc fiscal". Il l'est par son ampleur : quasi-disparition des droits de succession, allégement significatif des droits de donation, détaxation des heures supplémentaires, réduction de l'impôt sur la fortune (ISF), modification du "bouclier fiscal", déduction des intérêts d'emprunt.

Et l'est aussi par sa rapidité : l'ensemble de ces dispositions serait adopté soit durant la session extraordinaire de cet été, soit dans le cadre du débat budgétaire de cet automne. Je veux expliquer ici pourquoi ces choix seront néfastes pour notre pays et pourquoi il est important que l'UMP ne dispose pas d'une majorité à l'Assemblée nationale lui permettant de mettre en oeuvre cette politique. En effet, les mesures proposées sont inefficaces économiquement, injustes socialement et irresponsables budgétairement. Passons d'abord sur les objectifs inavoués de la droite : remettre en question les 35 heures et supprimer l'ISF. Elle n'ose pas le dire. Elle préfère donc avancer de biais, en vidant chacun de ces acquis de leur substance.

L'exonération de charges sociales, de contribution sociale généralisée (CSG) et d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires n'a pas d'autre objet. Elle inciterait en effet les employeurs à allonger l'amplitude d'activité des salariés, ce qui supprimerait dans les faits non plus seulement les 35 heures, mais la notion même de durée légale du travail... Exactement ce que demande la présidente du Medef.

Quant à l'ISF, les mesures envisagées visent à le rendre inopérant. Non seulement le seuil de déclenchement du "bouclier fiscal" serait abaissé de 60 % à 50 %, mais y seraient intégrées la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) (en plus de l'ISF, de l'impôt sur le revenu, de la taxe foncière et de la taxe d'habitation). Ce qui, de fait, créerait un taux maximal d'imposition de 40 %.

Enfin, le contribuable pourrait l'appliquer lui-même et réduire ainsi spontanément le montant de sa contribution, alors qu'aujourd'hui il doit d'abord acquitter ses impôts puis déposer une demande de remboursement dont le bien-fondé est vérifié par l'administration. Trop risqué pour être plus longtemps toléré !

Et si, malgré cela, restaient encore quelques assujettis, ils pourraient y échapper en réduisant de leur impôt dû les versements au capital d'une PME (jusqu'à 50 000 euros). Bref, ce "choc" en finirait avec la progressivité de l'impôt et la durée légale du travail, mais il serait sans effet sur l'emploi, l'investissement et la croissance.

En effet, la détaxation des heures supplémentaires constituerait un encouragement pour les employeurs à faire travailler plus leurs salariés plutôt qu'à embaucher. Et le premier impact serait de réduire considérablement les recours au CDD et à l'intérim, qui deviendraient des formules plus coûteuses face au blanchiment du "travail au noir" que constitueront les heures supplémentaires exonérées de tout prélèvement.

Quant à la quasi-disparition de l'ISF et des impôts sur les successions, elle n'aura aucune influence sur l'investissement, puisqu'on sait que l'exonération des biens professionnels dispense beaucoup de chefs d'entreprise du paiement de l'ISF, et que c'est donc la rente, bien plus que le travail, qui s'en trouverait récompensée.

Mieux vaudrait aider nos entreprises qui doivent faire face à la concurrence internationale et au mouvement généralisé de baisse des taux d'impôt sur les sociétés. Le dernier en date était le passage de 36 % à 29,8 % en Allemagne. C'est pourquoi nous proposons une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices restant investis dans l'entreprise, quitte à le financer en partie par une augmentation du taux applicable aux bénéfices distribués. Inefficace, le choc aggravera les injustices.

Les mesures concernant l'ISF ne profiteront qu'aux 450 000 ménages les plus aisés. Celles sur les droits de succession ignoreront les petits patrimoines. Car, du fait des différents abattements existants (abattement global de 50 000 euros ; abattements individuels de 76 000 euros pour le conjoint survivant et de 50 000 euros par enfant), 90 % des successions entre conjoints et 80 % des successions en ligne directe sont déjà libres de droits.

Ce sont donc les grosses transmissions qui vont bénéficier des largesses annoncées. Il faut savoir que les 10 % de ménages ayant les revenus les plus élevés possèdent 46 % du patrimoine total des ménages. Ce sont eux que le gouvernement veut aider. Comme si le bonheur des fortunés faisait la prospérité des déshérités !

Enfin, l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires ne bénéficiera pas aux salariés travaillant à temps partiel, qui font des heures "complémentaires", dont le régime est moins avantageux. De manière plus générale, cette dispense avantagera les salariés effectuant des heures supplémentaires par rapport aux autres salariés, dérogation susceptible d'être considérée par le Conseil constitutionnel comme contraire au principe d'égalité devant l'impôt.

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